De l’entreprise verte à l’entreprise bleue ?

Enjeu à la fois économique et sociétal, la question de la transition écologique est au cœur de tous les débats. En complément de la réponse « verte » apportée par les entreprises une autre tendance émerge sous la pression de l’accélération du temps et de la convergence des technologies : l’entreprise bleue. Il faut voir le développement durable comme un continuum de Vert se transformant en Bleu. C’est en tout cas ce que pense la prospectiviste Erica Orange, vice-Présidente The Future Hunters.[1]

Templosion

A l’ère des nouvelles technologies, le temps devient notre ressource la plus précieuse. C’est la nouvelle monnaie. Nous basculons dans l’ère de la « Templosion » ou implosion temporelle du temps. Les plus grands événements se produisent sur des périodes de plus en plus courtes. Hier les cycles de planification stratégique se faisaient sur quelques mois, aujourd’hui ils se réalisent en quelques semaines. Certaines entreprises revoient même leur business model en quasi temps réel. Cette économie de l’urgence est facilitée par les plates-formes de crowdsourcing des idées. L’accès aux cerveaux, à l’intelligence collective est disponible sous l’impulsion de communautés de directeurs d’usines, d’ingénieurs ou d’auto-entrepreneurs, qui se rassemblent pour créer de nouveaux concepts et les diffuser presque instantanément. Dans ce nouveau monde, la différenciation est un enjeu clé. Les entreprises qui pensent de manière linéaire ne survivront pas.

Blue leadership

A l’ère des nouvelles technologies, la confiance sera l’un des grands défis de la prochaine décennie. L’IA, l’apprentissage automatique, la réalité virtuelle, la blockchain, l’impression 3D sont des technologies déjà largement intégrées dans les opérations et processus de l’entreprise. Pour Erica Orange, l’avenir sera dans ce contexte de plus en plus « bleu ». Autrement dit, le futur des organisations ne se jouera pas seulement sur le terrain de la responsabilité il se jouera aussi sur celui de la confiance. Et la confiance reposera notamment sur un leadership éthique et durable. Les déontologues vont-ils s’inviter davantage dans la gouvernance des organisations ? C’est la conviction de Erica Orange qui prédit l’avènement du Directeur Général Ethique à la tête de l’entreprise. A suivre…..


[1] Extrait de l’intervention de Erica Orange lors du forum 2020 Mastercard Innovation

7 astuces pour booster votre audience RSE

D’après le spécialiste Reputation Institute, une grande partie de l’image des entreprises se construit autour de sujets RSE (éthique, citoyenneté, bien-être au travail). Car les organisations ne sont plus considérées uniquement comme des acteurs économiques mais aussi comme des acteurs sociaux et sociétaux. Leur dernière étude annuelle[1] relève néanmoins que les entreprises communiquent mal ou peu sur ces sujets. Si la sortie du rapport RSE est un « passage obligé » en terme de communication, voici quelques idées pour sensibiliser vos parties prenantes à vos engagements RSE toute l’année et soigner votre marque employeur.

 Diffuser des vidéos sur Youtube

C’est le concept choisi par le groupe Renault qui communique par le biais de vidéos disponibles sur sa page développement durable et relayées sur YouTube. Dernières actualités : un clip présentant le partenariat entre le constructeur et Handicap International ou une discussion entre Carlos Ghosn et les étudiants de la Fondation Renault. Michelin va plus loin en créant une chaine YouTube entièrement dédiée au climat. Ces outils sont l’opportunité pour ces deux industriels de rajeunir leur audience et d’accroître leur visibilité en touchant une communauté sensible au format vidéo.

Proposer un fil d’actualités

BNP Paribas a mis en place un fil d’actualités sur son espace web RSE. Parmi les récentes publications, un articule sur le lien entre la transition énergétique et le leasing ou sur la contribution de l’établissement aux ODD.Ce type de prise de parole témoigne de la volonté de l’établissement de s’engager sur des enjeux de société au delà du périmètre de ses responsabilités.

Editer un blog en ligne

Pour animer une communauté d’experts autour des enjeux responsables, le groupe Bouygues a créé un blog en ligne. On y trouve certes, l’actualité développement durable du groupe mais aussi des informations liées à d’autres entreprises comme un article sur TF1 qui lance son programme d’engagement solidaire.

Tweeter durable

La création d’un compte Twitter est aussi un moyen astucieux de prendre la parole sur les réseaux sociaux en sensibilisant ses salariés, clients et consommateurs aux enjeux du développement  durable. C’est le cas de Bouygues et d’Orange. Ce dernier communique autour de l’actualité du groupe mais propose également une veille sur les sujets qui font partie de son éco système à l’instar du green IT ou de la santé numérique.

Surfer sur la vague du storytelling

C’est le parti pris de Philips et de son site « Innovation and you » qui place l’innovation au service du bien-être et de la santé des populations Articles, études de cas, vidéos, racontent des « tranches de vie » et défis sociétaux habilement rattachées aux innovations et initiatives durables menées par le groupe.

Publier un livre événement

Pour fêter ses 100 ans, le constructeur BMW a édité un livre spécifique « Sustainability Fact Book ». L’opportunité pour le groupe de démontrer que la RSE est ancrée dans son histoire et de mettre en lumière les enjeux de la mobilité durable à travers 100 « dates et événements clés ».

Editer un « Essentiel » RSE

Autre outil plébiscité par les entreprises : publier un -Executive Summary- qui résume en quelques pages l’essentiel de leur démarche RSE. Une manière d’élargir leur lectorat à travers un format court, pédagogique et illustré. C’est le cas de Nexans qui propose un condensé de sa démarche RSE dans un 4 pages ou de La Française des Jeux qui opte pour un partie pris ludique avec son document « S’engager pour un jeu utile ». Objectif : présenter la démarche et la philosophie du jeu responsable en synergie avec les valeurs et l’image véhiculée par le groupe.

 

Sandrine L’Herminier

Experte RSE – Positive Impact

 

 

 

[1] Reputation Institute/Etude Reputation Track. Juin 2017

5 tendances RSE qu’il faut absolument suivre en 2017

Le « durable et la RSE » ouvrent un champ incroyable de nouvelles façons de produire et de consommer. Plusieurs facteurs confirment l’intérêt des entreprises envers cette économie plus propre qui les conduit à repenser leur stratégie et l’organisation pour limiter les risques sociaux ou environnementaux et saisir de nouvelles opportunités de business. Voici cinq tendances qui joueront un rôle essentiel dans la réalisation de ces objectifs.

Mesurer la compétence « climat » des Conseils d’Administration

Les membres du Conseil d’Administration ont une responsabilité essentielle pour améliorer la gouvernance et challenger l’équipe dirigeante aux risques long terme comme le changement climatique. Les investisseurs institutionnels sont aussi plus attentifs à la manière dont les décideurs se saisissent de ces enjeux et les intègrent dans leur stratégie. Le premier gestionnaire d’actifs au monde BlackRock a récemment publié ses engagements prioritaires à horizon 2017-2018. Le fonds américain compte bien faire pression sur les entreprises en demandant une expérience et une expertise renforcée des membres du Conseil en matière de pratiques environnementales et de risque climatique.

Aligner ses objectifs de réduction des émissions de GES sur les connaissances scientifiques

Si quelques groupes cotés ont déjà publié une feuille de route climat pour respecter le seuil des 2° fixé par l’Accord de Paris, les scénarios proposés par les émetteurs relèvent le plus souvent de méthodologies internes. Ces entreprises ont désormais l’opportunité de s’inscrire dans un cadre commun en faisant de valider leurs objectifs par l’Initiative Science Based Target, un projet aligné sur les préconisations scientifiques du GIEC. L’iSBT fournit un guide méthodologique qui les aide à se fixer des objectifs en ligne avec les trajectoires de décarbonisation de l’économie et leur activité. 19 entreprises françaises ont suivie l’une des 7 méthodes proposées par l’iSTB dont Kering, première société à avoir fait valider son objectif de réduire de 50% les émissions de GES liés à ses opérations d’ici 2025.

Publier un reporting complet sur les droits de l’homme

Alors que la loi sur le devoir de vigilance vient d’être adoptée, les entreprises vont devoir clarifier leur gouvernance en matière de droits de l’homme. Une thématique encore mal appréhendée par bon nombre de groupes qui peinent à rendre compte de leur politique, engagements et progrès en matière de droits humains sur l’ensemble de leur chaine de valeur. Certaines firmes n’ont pas attendu la mise en œuvre de cette loi pour structurer leurs engagements. C’est le cas de Total qui a publié en 2016 son premier reporting sur les droits de l’homme. Certes le groupe a tout intérêt à être assez exemplaire dans ce domaine de par la nature et l’impact de ses activités sur les communautés locales et la société en général. Pour réaliser ce travail, Total s’est appuyé sur le guide pratique édité récemment par les Nations Unies.

Passer de l’économie linéaire à l’économie circulaire

Pour se déployer, l’économie circulaire doit affronter trois grands enjeux. Le premier est la création de nouveaux modèles économiques avec l’élaboration de plates formes d’échanges permettant le passage de la vente de biens à celle de services. Le second enjeu concerne la fiscalité. Certaines normes interdisant le réemploi de matériaux ou au contraire l’absence d’obligation de produire des biens démontables et recyclables, sont autant de règles qui découragent ou ne stimulent pas assez les acteurs économiques et les innovations. Enfin, le troisième enjeu est le changement des comportements notamment des consommateurs finaux, que ce soit via le tri sélectif, la lutte contre le gaspillage alimentaire ou l’auto partage. Certaines entreprises s’engagent sur cette voie à l’instar de Kingfisher qui prévoit de mettre en place 10 chaînes de valeur circulaire (c’est à dire travailler sur l’ensemble de la chaine et pas seulement sur le produit) à horizon 2020 ou le groupe Bouygues qui souhaite favoriser le réemploi des matériaux de matière première issus de ses chantiers à travers la mise en place d’une plate-forme de revente. Des initiatives certes louables mais qui signent seulement les prémisses du passage d’une économie linéaire à une économie circulaire.

 Identifier de nouveaux leviers de business avec les ODD

En 2015, plus de 190 leaders mondiaux se sont engagés dans 17 objectifs de développement durable (ODD) visant à mettre fin à l’extrême pauvreté, à éliminer les inégalités de longue date et à lutter contre le changement climatique. Suez fait partie de ces entreprises. Le groupe a fait le lien entre ses ODD prioritaires et son activité après avoir organisé de nombreuses sessions de parties prenantes dans le monde entier. Cette méthode de travail collaborative lui a permis d’identifier de nouvelles opportunités de business autour des déchets considérés comme une ressource dans les pays émergents ou à travers la mise en œuvre de nouveaux mécanismes de participations des parties prenantes autour des enjeux liés à la gestion de l’eau.

Responsabilité des entreprises et droits de l’homme : passer du déclaratif au reporting

La prise en compte du respect des droits de l’homme dans une démarche RSE est encore un véritable casse tête pour les entreprises. Les émetteurs se contentent le plus souvent de rappeler leurs engagements à l’égard du Global Compact ou des conventions fondamentales de l’Organisation Internationale du Travail. La loi sur le Devoir de Vigilance adoptée en France en février dernier, va sans doute faire évoluer les pratiques.

Les émetteurs ne pourront plus se contenter de faire de simples déclarations. Il leur faudra mettre en œuvre des mesures de vigilance et démontrer comment rendre compte de leurs politiques, de leurs progrès et de leurs engagements en matière de droits humains sur l’ensemble de leur chaine de valeur.
Certaines entreprises n’ont pas attendu la publication de cette loi pour structurer leur démarche. C’est le cas de Total qui a publié en 2016 son premier reporting sur les droits de l’homme. Ce document d’une quarantaine de pages basé sur le « Guide du reporting des principes directeurs des Nations Unies » relate les principaux engagements pris par la groupe parmi lesquels :
• Elaboration d’une feuille de route stratégique sur les droits de l’homme (2013-2016) en cours de renouvellement.
• Hiérarchisation des sujets « saillants » c’est à dire pertinents pour l’entreprise au regard de l’impact de son activité. Total a identifié trois sujets sensibles : les droits de l’homme au travail -à travers notamment le risque de travail forcé et travail des enfants sur son activité de commerce de détail- ; les droits de l’homme et communautés locales qui pose par exemple la question de l’accès à la terre dans le cas où certaines communautés sont déplacées temporairement du fait des activités du groupe ; les droits de l’homme et la sécurité, qui traite notamment de la sécurité des opérations dans les pays politiquement instables.
• Organisation en 2015 d’une journée mondiale de l’Ethique autour des droits de l’homme et de l’anti-corruption dans l’ensemble des entités du groupe. Une initiative complétée par de nombreux ateliers et sessions de formations dans ce domaine.
• Mise en place de plans d’actions pour chaque sujet « saillant » à l’instar du recrutement d’Agents de liaison destinés à maintenir le dialogue avec les communautés locales sur le terrain.

A la lecture de ce rapport deux enseignements majeurs se dégagent : les droits de l’homme sont un sujet complexe qui nécessite une forte sensibilisation et formation des collaborateurs, le risque pèse certes sur les entités du groupe mais aussi sur les fournisseurs et sous-traitants souvent moins enclins à respecter les standards et procédures mis en place par l’entreprise. Des contrôles, évaluations et relais sur le terrain, sont indispensables pour universaliser le respect des droits fondamentaux et s’assurer de leur application sur les lieux de travail.

Des outils pour mieux appréhender les enjeux des droits de l’homme
• Le guide de reporting des Principes Directeurs des Nations Unies fournit un référentiel précis qui aide les entreprises à rendre compte de leur performance.
• Le site Entreprise Droits de l’Homme propose des outils et dispositifs d’accompagnement dont un questionnaire d’auto évaluation et un guide d’évaluation des risques liés aux droits de l’homme.
• L’étude Vigéo Eiris sur les droits de l’homme dresse un état des lieux sur l’engagement de 3000 entreprises cotées dans le monde.

Climat, il est urgent d’agir !

« Les plus grands défis environnementaux ne sont pas la perte de la biodiversité, l’effondrement de la biosphère et le réchauffement climatique. Les questions prioritaires en matière d’environnement sont l’égoïsme, la cupidité, l’apathie. Les scientifiques ne peuvent pas régler ces problèmes pour lesquels il faut une transformation spirituelle et culturelle.” Ce constat de l’économiste James Gustave Speth était repris récemment par Fabrice Bonnifet, Président du C3D –collège des directeurs du développement durable- www.fddd.fr dans le cadre de la rencontre « Nouveaux modèles économiques – Après la COP22 : la feuille de route des entreprises[1] ». Une manière pour le directeur du Développement Durable du Groupe Bouygues d’alerter l’auditoire sur la nécessité d’agir collectivement en faveur du climat.

Certes, les entreprises ont appris à compter ou à défaut à évaluer leurs émissions directes et indirectes de CO2 depuis déjà une dizaine d’années. Mais aujourd’hui, l’effort doit aller au delà des traditionnelles économies d’énergie. L’accord de Paris sur le climat (COP 21) stipule en effet que pour rester sous la barre des 2°, l’humanité va devoir diviser par 3 ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. Un objectif qui concerne autant la société civile que les collectivités ou les entreprises. Or l’équation que doivent précisément résoudre les organisations n’a rien de simple. Comment réduire significativement ses émissions de CO2, voire même devenir neutre en carbone, tout en continuant à générer du chiffre d’affaires ? Pour Fabrice Bonnifet les mesures pour faire baisser l’intensité carbone des entreprises sans pénaliser leur développement, s’articulent atour de 4 grands axes :

Faire évoluer les modèles économiques des entreprises en passant de l’économie linéaire à l’économie circulaire. Un mouvement déjà bien enclenché par certains émetteurs dont les acteurs du BTP.

Développer l’éco-conception des produits. L’abolition de l’obsolescence programmée, la capacité à réparer et à allonger le cycle de vie des produits doivent devenir la règle universelle des industriels.

Ringardiser l’économie de la possession au profit de celle de la fonctionnalité, et inventer le marketing de l’usage ! L’économie du 21ème siècle sera une économie collaborative privilégiant les plateformes d’échange et de partage.

Revoir la gouvernance des entreprises car c’est au plus près du « terrain » que les décisions doivent se prendre en libérant l’innovation et en redonnant le pouvoir d’agir aux collaborateurs. La feuille de route « Climat 2030 » de Gecina http://www.gecina.fr/fr/rse.html s’inscrit dans cette dynamique. Elle a été co-construite avec les parties prenantes internes et externes du groupe.

Focus : Méthodologie commune

Pour aider les entreprises à aligner leurs engagements climat sur la trajectoire 2°, le C3D planche actuellement sur trois pistes.

Comment impliquer les fournisseurs et partenaires dans la démarche de compensation carbone des entreprises. Quels sont les plans d’actions et indicateurs de suivis à mettre en œuvre autour d’objectifs communs.

Lorsqu’une entreprise privilégie un déplacement en train plutôt qu’en voiture, elle évite de la compensation carbone. De quelle manière doit-elle reporter sur ces émissions évitées, avec quelle méthodologie, quel vocabulaire partagé par le plus grand nombre.

Faut-il faire attester les indicateurs et objectifs climats annoncés par les entreprises. Si oui, sur quels critères et quels seront les tiers confiance habilités à faire ce travail.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Matinée organisée par le C3D Collège des directeurs du développement durable et l’OREE